Elodie Ranchoux

Bref 2 : ce que la psychologie nous apprend sur le deuil, les schémas répétitifs et la dépression

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Mi février, la série Bref 2 de Kyan Khojandi est sortie sur les plateformes de streaming. Derrière ses allures comique, son rythme effréné et ses punchlines, il y a en réalité pas mal de profondeur. Cette série parle de nous, de nos galères, de nos deuils, de nos questions existentielles. Bref, je me suis dit que ce serait sympa de vous décrypter 2 ou 3 moments forts.

 

1. Les schémas répétitifs : Je fais toujours les mêmes erreurs, mais pourquoi ???

Dès les premiers épisodes de la saison 2, il nous est impossible de manquer la manière dont le personnage principal reproduit sans cesse les mêmes schémas relationnels et professionnels. Ce phénomène bien connu en psychologie, nous montre à quel point on peut être emprisonné dans une spirale infernale. Mais comment ça fonctionne me demanderez vous ?

Nos schémas sont comme des raccourcis que notre cerveau a appris très tôt. Ils guident nos choix, souvent sans que nous en ayons conscience. Par exemple, si très tôt nous avons appris que prendre soin des autres était le seul moyen d’être apprécié, nous risquons, une fois adulte, de nous surinvestir dans nos relations en mettant systématiquement les besoins des autres avant les nôtres. Sur le moment, cela semble logique… jusqu’au jour où la fatigue, la frustration et le sentiment d’injustice s’installent.

Dans la série, ce phénomène est justement illustré : le personnage prend des décisions en pensant faire différemment, mais il retombe systématiquement dans les mêmes pièges. Ce qui nous rappelle une chose essentielle : tant qu’un schéma n’est pas identifié, il continue de dicter nos actions en arrière-plan.

Heureusement, un schéma n’est pas une fatalité. En thérapie, nous apprenons à les identifier, pour qu’il devienne possible de s’en libérer et de réapprendre à agir différemment.

 

2. Le deuil : Je le fuis pour éviter d’être triste.

Voici une des deuxièmes thématiques emblématiques de la série qui est un grand classique dans nos vies, mais que nous diabolisons souvent.

Perdre un proche, un emploi, une relation, ou même un projet, ce n’est jamais simple. Parfois, face à la douleur, notre premier réflexe n’est pas de l’affronter. A la place, on s’occupe l’esprit. On travaille plus que nécessaire, on sort trop, on enchaîne nos activités ou on scrolle sans fin sur les réseaux sociaux. Bref, on remplit le vide.

Ce mécanisme est bien connu en psychologie : pour éviter la douleur, on remplit le vide. C’est d’ailleurs ce qu’Elisabeth Kübler-Ross (1969) a mis en évidence avec son modèle des cinq étapes du deuil : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation. Dans Bref 2, ces étapes sont bien présentes… mais condensées, accélérées, ponctuées d’humour et de sarcasme.

Prenons un exemple concret : le personnage principal vit une rupture. Plutôt que d’accueillir sa tristesse, il tente d’y échapper en multipliant les rencontres incertaines, en sortant sans envie, en cherchant un exutoire dans les réseaux sociaux. Ce comportement illustre les stratégies d’évitement émotionnel : on détourne l’attention pour éviter de ressentir la douleur.

Le problème ? Cela fonctionne… jusqu’au moment où cela ne fonctionne plus. L’émotion finit toujours par resurgir, souvent de manière plus intense. Et c’est là que le processus de deuil commence réellement, car une émotion ne se contourne pas, non. Elle se traverse.

 

3. Les dilemmes existentiels : J’ai le sentiment d’être en conflit avec moi.

Il est difficile d’oublier cette scène où le personnage principal se retrouve face à plusieurs versions de lui-même : celui qui veut tout envoyer valser, celui qui veut être raisonnable, celui qui veut juste s’amuser… Un débat interne que nous vivons tous quand nous devons faire des choix importants.

En Analyse Transactionnelle, ces voix intérieures correspondent aux états du moi (Berne, 1961) :

  • Le Parent, qui représente nos normes, nos valeurs, notre réassurance et soutient.
  • L’Adulte, qui analyse la situation de façon rationnelle et cherche la meilleure solution.
  • L’Enfant, qui exprime nos désirs, notre créativité et nos émotions authentiques.

Dans la scène, on voit clairement que son Parent (celui qui prône la stabilité et la maturité) s’oppose à son Enfant (qui veut tout plaquer et suivre ses envies). Et son Adulte ? Il essaie tant bien que mal de gérer ce chaos intérieur… avec plus ou moins de succès. Cette conversation à l’intérieur de soi est l’exemple type des dilemmes existentiels : “ Je plaque tout ou est ce que je choisis la sécurité ?” “ Je dis ce que je pense ? Ou est ce que je fais en fonction des autres ? “

D’ailleurs, si nous portons attention au fil de l’histoire dans Bref, ces voix ne disparaissent jamais totalement. Et c’est sain ! L’enjeu n’est pas d’en faire taire une, mais d’apprendre à les écouter… toutes, sans en délaisser unes. C’est un outil essentiel à ma pratique de psychologue. Il sert à aider mes patients à identifier ces différentes parties d’eux-mêmes, pour mieux les comprendre et avancer avec plus de clarté. Parce qu’au fond, avancer, c’est trouver un équilibre entre responsabilité et liberté, entre raison et plaisir.

 

Bref, pour conclure

Cette série nous apporte un regard et une lecture approfondie mais pleine de douceur sur nos problématiques ancrées. Elle met des mots et des intentions là où nous préférons ne rien voir par peur de ressentir. Elle montre que les émotions sont souvent des amies délaissées, mais que quand on prend le temps de les écouter, les tant attendus changements positifs arrivent enfin (même si le chemin n’est pas toujours simple, on est d’accord.)

En tant que psychologue, j’aime utiliser ce genre de support, car il met en lumière des processus parfois difficiles à verbaliser. Il rappelle que nos émotions, nos doutes et nos blocages ne font pas de nous des cas isolés : ils sont humains, universels et compréhensibles. Et surtout, il montre qu’on peut évoluer. Que l’on peut casser des schémas, prendre du recul sur ses relations, accueillir ses émotions au lieu de les fuir.

Et si cette série vous a amusé ou fait réfléchir, peut-être qu’une partie de vous est prête à avancer. Et croyez moi, ça, c’est déjà un premier pas ..

 

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